Prendre le parti de l’enfance : le plus beau des cadeaux
Dans leur enfance, nos parents avaient peu de choses. Tous leurs vêtements tenaient dans une valise. D’ailleurs chez mes grands-parents, une seule armoire regroupait les habits des cinq membres de la famille. Pas besoin de coffre à jouet non plus pour ma mère étant petite, elle avait une poupée, une dînette et un cerceau de bois.
Prendre le parti de l’enfance : le plus beau des cadeaux
A l’époque on reprisait les vêtements aux coudes et aux genoux, les chaussettes étaient également « réparées » et poursuivaient ainsi leur mission première de protéger les pieds. Si ma mère égarait son cache-nez, elle devait rebrousser chemin pour le retrouver. C’était une autre époque, une époque belle et bien révolue.
Depuis son enfance, ma mère n’a pas oublié combien elle devait prendre soins de ses affaires. Pourtant, elle me dit n’avoir jamais manqué de rien. Oui, elle m’affirme aujourd’hui encore, avoir eu tout ce dont elle avait besoin dans son enfance, ni plus ni moins.
Elle me raconte aussi la liberté qui était donnée aux enfants. La seule véritable règle à respecter était d’être rentré à la maison pour l’heure du repas.
Les enfants revenaient souvent avec des bleus aux jambes, ou des écorchures que l’on soignait avec un peu d’eau et un bisou magique. Combien de fois est-elle rentrée à la maison les jambes entièrement griffées d’avoir trop joué dans la paille… Peu importe, car les enfants passaient des moments extraordinaires, en immersion dans le monde de l’enfance, leur monde, le seul qui existait alors à leurs yeux.
Mais ça c’était avant…
Depuis, le monde bien changé. Nous avons gagné en confort. Se faisant, nous sommes entrés dans une période inédite. Les parents d’aujourd’hui ne remplissent plus leur mission comme ceux d’hier. Quelque chose de fondamental a changé.
Alors que nos grands-parents se sont usés à la tâche pour être en mesure de subvenir aux besoins fondamentaux de leurs enfants ; de nos jours beaucoup de parents sont incapables de ne pas gâter outre mesure leur progéniture. Ce faisant ils créent, malgré eux, un environnement favorable au développement de troubles psychiques.
L’abondance plus dangereuse que la frugalité
Les enfants confrontés à un « trop-plein », ne le vivent pas bien. Le stress qui en résulte chez certains, peut générer des troubles psychiques importants. Ainsi il n’est pas rare que des enfants un peu maniaques à la base, développent des troubles obsessionnels nécessitant une prise en charge lourde par la suite. D’autres, plus rêveurs, peuvent perdre leurs facultés de concentration et présenter des troubles du déficit de l’attention.
Kim John Payne est un consultant familial reconnu à travers le monde entier, auteur de nombreux ouvrages traduits en une dizaine de langues. Il a pu observer que : le simple fait de revenir à « moins d’abondance », après seulement quatre mois, permettait de voir ces symptômes disparaissaient chez une majorité des jeunes sujets (68%). Leurs aptitudes scolaires et cognitives augmentaient également (37%). Des résultats autrement plus significatifs que ceux que l’on constate avec les médicaments trop souvent prescrits de nos jours, ayant tous par ailleurs des effets secondaires non négligeables.
C’est plutôt une bonne nouvelle. Les parents sont en mesure d’offrir à leurs enfants un environnement où ils pourront s’épanouir physiquement, affectivement et mentalement en toute sécurité. Il est nécessaire pour cela d’éviter certaines erreurs.
Le poids du trop-plein
Au début de sa carrière, Kim John Payne a été bénévole dans des camps de réfugiés où les enfants souffraient de stress post-traumatique. Il décrivait ces enfants par ces termes : « nerveux, prompts à sursauter et hyper-vigilants, se méfiant de tout ce qui est nouveau ou inhabituel. »
Des années plus tard, quand il travaillait en libéral en Angleterre, il a reconnu chez de nombreux enfants issus de familles aisées les mêmes tendances comportementales que ceux qu’il avait rencontré sur des zones de guerre. Pourquoi ces enfants, qui vivaient dans une parfaite sécurité, présentaient-ils des troubles similaires? Pour Payne, l’explication vient du fait suivant :
Les enfants d’aujourd’hui sont exposés à des informations en flux continu, qu’ils sont incapables de gérer ou de rationaliser.
Car même si leur intégrité physique était assurée, ces enfants « de bonne famille » évoluaient mentalement dans une sorte de zone de guerre, explique-t-il :
Conscients des peurs, des désirs, des ambitions et de la vie effrénée de leurs parents, les enfants s’efforçaient de se construire leur propre environnement, leur espace protégé, par le biais de comportements qui, au final, ne leur étaient pas bénéfiques.
Atteints de « stress cumulatif » en raison de ce trop-plein, ces enfants créaient leurs propres stratégies d’ajustement afin de se donner un sentiment de sécurité. Pourtant, bien que les parents comme les intervenants sociaux savent combien il est important de protéger physiquement les enfants; les uns comme les autres peinent à comprendre comment préserver leur santé mentale.
Les enfants d’aujourd’hui sont exposés à une multitude d’informations, de toutes sortes. Or, ils sont incapables de gérer et rationaliser ce flux incessant de stimulus. Ils sont placés très tôt dans des rôles d’adultes et soumis à des attentes plus importantes qu’auparavant. Aujourd’hui, les enfants grandissent plus vite. Pour éviter de se perdre, ils ont un besoin vital de s’attacher aux différents aspects de la vie qu’ils sont en mesure de contrôler.
Les quatre piliers de l’excès
Il est naturel pour les parents de vouloir offrir à leurs enfants le meilleur. Jusque là tout va bien, mais il y a un piège dans lequel il faut éviter de tomber. Si « un peu » c’est bien, avoir « plus » n’est pas forcément mieux.
Il n’est pas rare de voir des enfants inscrits dans une multitude d’activités encadrées. On voit aussi des chambres remplies du sol au plafond de livres et jouets « éducatifs » pour la plupart. Dans les pays occidentaux : un enfant possède en moyenne plus de 150 jouets! Je vous reparle un peu de ma mère ?… une poupée, une dînette et un cerceau de bois.
Devant une telle quantité de choses, les enfants sont aveuglés et submergés par la variété des choix. Pour Payne :
Ils jouent de manière superficielle au lieu de se plonger dans leurs activités et de se perdre dans leur imagination débordante.
Nous, parents, devrions commencer par leur acheter moins de jouets afin qu’ils se consacrent pleinement à ceux qu’ils ont à disposition. Kim John Payne identifie quatre grands domaines d’excès :
- trop d’affaires
- trop de choix
- trop d’informations
- trop vite
Ainsi submergés, les enfants ne disposent plus des précieux moments de liberté. Ils ont pourtant besoin d’explorer, de réfléchir et d’évacuer les tensions librement. L’abondance des objets ou des activités programmées est un problème, il réduit les moments d’ennui, stimulateur de créativité et d’apprentissage de l’autonomie.
Préserver l’enfance
En plusieurs décennies, la société a lentement mais sûrement, empiété sur le monde merveilleux de l’enfance. Elle a redéfini des standards selon des intérêts mercantiles. Le cerveau immature des jeunes s’épuise à tenir le rythme imposé par la société de consommation…
David Elkins, psychologue du développement, rapporte que les enfants ont perdu plus de douze heures de temps libre par semaine ces vingt dernières années. Ce qui se traduit par très peu de temps disponible chaque jour pour jouer sans contraintes. Cela s’observe jusque dans les écoles maternelles, où on se tourne aujourd’hui vers des activités intellectuelles. On voit même des établissements scolaires supprimer les temps de récréations afin de dégager davantage de temps pour les activités encadrées.
On sait de nos jours que trop de temps consacré aux sports encadrés durant l’enfance, induit une baisse significative de la créativité chez les jeunes adultes. Ceux ayant eu l’opportunité de pratiquer des sports et activités physiques plus librement « entre gamins », développent puis entretiennent une plus grande créativité. Deux heures par semaine à jouer sans cadre prédéfini suffisent à stimuler les enfants. Deux heures ça parait peu, mais certains enfants n’en disposent même pas.
Des pistes à envisager pour les parents qui veulent agir
Comment les parents peuvent-ils protéger leurs enfants de ces nouvelles normes que tente d’imposer la société ? Simplement en laissant les enfants être des enfants. La journée d’un enfant doit être rythmée par des temps de liberté. A lui ensuite de trouver comment occuper ces temps. À lui d’imaginer et créer, de souffler et se reposer, de venir chercher le câlin dont il a envie ou besoin…
1 – Les parents doivent absolument veiller que ces temps libres existent. Ils apportent du calme et du réconfort dans ce monde chaotique. Ces moments agissent comme une soupape, les enfants doivent pouvoir bénéficier de ces temps de décompression réguliers, indispensables pour récupérer et bien grandir. Ils sont même irremplaçables pour évacuer les tensions nerveuses, et donc vital pour le développement. Un bon moyen est de faire le tri si nécessaire et supprimer les occupations programmées qui sont en trop, de façon à leur simplifier la vie.
2 – Profiter des temps de vie en famille comme les moments de repas. Il n’est pas nécessaire ni souhaitable de « gâcher » ces moments de proximité avec des sujets de discussion qui n’ont pas leur place. Regarder les informations quand les enfants sont couchés est une bonne idée. À table, on refait sa journée, on questionne papa et maman sur tout et n’importe quoi. Bref, on se découvre, on crée du lien. Pourquoi passer à côté de ces moments qui n’ont pas de prix ?
3 – Dans la chambre. Les chambres d’enfant débordent souvent de jouets et jeux inutilisés ou pour lesquels ils ont passé l’âge. Inutiles et… néfastes. Ces objets agissent comme des polluants, limitant l’espace physique disponible et, surtout : limitant l’accès aux mondes imaginaires si important au développement. La règle du « un jouet qui rentre = un jouet qui sort » n’est pas une mauvaise règle. D’autant plus qu’elle permet à l’enfant de grandir et de se voir grandir, à travers ces jeux et jouets délaissés qui ne lui font plus envie.
L’importance de l’enfance
Nos enfants ont leur existence devant eux. Il auront bien le temps de devenir adulte et faire face à la complexité de la vie par la suite. Par contre, ils n’ont qu’une période donnée pour « être des gamins », s’amuser, se chamailler et faire quelques bêtises.
L’enfance tient un rôle essentiel dans la vie d’un être. Ce n’est pas simplement une phase à traverser. Ce moment de la vie existe pour permettre aux jeunes de se développer, dans une certaine sécurité dont les parents sont les principaux garants. Nous espérons tous voir nos enfants devenir des adultes heureux. Permettons-leur d’être des enfants, insouciants, naïfs et rêveurs. C’est leur meilleure chance de devenir des adultes équilibrés en bonne santé.
Si on laisse la société dicter son rythme, l’enfance souffre de n’être qu’une part de marché, comme les autres. Les conséquences psychiques sont alors inévitables. Les parents qui prennent l’initiative d’offrir aux enfants ce dont ils ont le plus besoin, ces parents qui prennent le parti de l’enfance leur font le plus beau des cadeaux.
Je pense que ce livre co-écrit par Kim John Payne et Lisa Ross, devrait figurer sur la liste de lecture de tous les parents soucieux du développement de leurs enfants :
D’après un article paru en anglais sur raisedgood.com
Prendre le parti de l’enfance, en conscience de l’importance de cette période de la vie… Si vous aussi, êtes dans cette démarche, parlez en à vos amis :
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