A quoi servent ces maudits moustiques piqueurs et vecteurs de maladies ?
Le moustique n’est-il que l’ennemi de l’homme ? Y a-t-il une seule bonne raison de ne pas voire disparaître tous les moustiques de la surface du globe ? Bon et bien, il est temps de tenter d’apporter une réponse sur la question ô combien existentielle du rôle caché de ces maudits moustiques sur la planète…
A quoi servent ces maudits moustiques piqueurs et vecteurs de maladies ?
Le moustique est sans doute l’ennemi de nos belles nuits d’été, synonyme de piqûres, de boutons et de démangeaisons. Mais il est loin de se contenter de cela. En effet, il est également le vecteur de divers maladies. Il décroche même la palme du règne animal pour ce qui concerne le nombre de morts causé chez l’être humain.
Il n’est donc sans doute pas illégitime de se poser la question de son utilité sur terre. Au-delà des dégâts qu’il inflige à l’homme, le moustique a-t-il une réelle utilité pour la nature ? Plus encore, celle-ci pourrait-elle surmonter sa disparition ?
Si piqûres, rougeurs et démangeaisons vous rendent fous, attendez de lire ce qui suit sur ces maudits moustiques. Le constat sanitaire qui leur est directement imputable est conséquent.
Paludisme : une hécatombe directement imputable au moustique
Le paludisme (ou malaria) que transporte le moustique aurait tué la moitié des personnes qui ont déjà vécu sur Terre ! Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le moustique infecté, Anopheles gambiae, serait responsable de 7 millions de morts par an. Transmis par les moustiques anophèles, le paludisme tue 1 000 enfants par jour…
Deux autres espèces, Aedes aegypti et Aedes albopictus, sont les principaux vecteurs des virus de la fièvre jaune, de la dengue, du chikungunya ainsi que de la fièvre Zika. Cette dernière a récemment été déclarée «urgence de santé publique de portée mondiale» par l’OMS. En effet, on estime de 3 à 4 millions de cas déclarés cette année dans les Amériques. Au final, on arrive à ce constat :
Une seule créature tue plus d’hommes que l’homme lui-même, c’est le moustique.
Mais alors, y a-t-il une seule raison de ne pas souhaiter la disparition totale des moustiques ? C’est vrai que de prime abord, on serait tenter de croire que les moustiques ne sont là que pour nous dévorer…
Bien sûr, comme vous vous en doutiez peut-être, leur omniprésence dans notre environnement est loin d’être inutile. On peut même distinguer plusieurs points positifs à leur existence. Et bien oui en fait, comme d’habitude : Dame Nature n’as rien laissé au hasard !
Quand les moustiques ne sont pas que de vilains suceurs de sang humain
Ils sont acteurs à part entière de la biocénose
Au sein de la chaîne alimentaire, les moustiques servent de nourriture à de nombreuses espèces, comme les poissons, oiseaux, reptiles, insectes. Au stade de larves, ils sont gobés par des invertébrés aquatiques, des batraciens et des poissons. Puis, adultes, ils constituent les mets de prédilection d’oiseaux, de chauve-souris, de grenouilles, d’araignées, de lézards ou de libellules.
Les moustiques nourrissent beaucoup de prédateurs et c’est donc sur eux que repose une partie de la chaîne alimentaire. Le moustique est ainsi l’aliment principal des oiseaux migrateurs, lors de leur passage dans la toundra. Si ce plat de prédilection venait à manquer, Bruce Harrisson, entomologiste au Ministère de l’Environnement et des Ressources Naturelles en Caroline du Nord, estime que :
sans les moustiques le nombre d’oiseaux chuterait de plus de 50 % !
Ils dépolluent les écosystèmes aquatiques
Les scientifiques ont démontré que les larves de moustiques jouent un rôle de filtre dans les écosystèmes aquatiques. Elles s’y nourrissent de déchets et de micro-organismes. En effet, les larves se développent dans l’eau, pour se nourrir et grandir, elles filtrent cette eau. Se faisant, elles la débarrassent des bactéries qui s’y trouvent, contribuant ainsi à nettoyer et dépolluer notre environnement.
Les moustiques participent donc au cycle de l’azote, en intervenant dans la première étape de décomposition de l’azote organique en azote minéral. Ils filtrent les eaux et évitant ainsi l’eutrophisation des milieux, qui est une forme singulière mais naturelle de pollution de certains écosystèmes aquatiques, qui se produit lorsque le milieu reçoit trop de matières nutritives et que celles-ci prolifèrent.
Ils sont de petits pollinisateurs
Contrairement à ce que l’on croit le moustique ne se nourrit pas vraiment de sang. Sur les 3 500 espèces répertoriées, seulement 6% piquent effectivement les humains. Et dans ces 6%, seules les femelles ont un régime hématophage, piquant voracement à travers la peau pour sucer le sang de leur victime. Et elles ne le font pas pour se nourrir, mais pour apporter des protéines à leurs œufs pour qu’ils parviennent à maturation.
Lors d’un « repas sanguin » complet, une femelle moustique peut prélever jusqu’à 10 microlitres de sang. Parmi les différentes espèces recensées ont distingues :
- les moustiques anthropophiles, attirés par l’homme
- les mammophiles, attirées par les mammifères
- les ornithophiles, attirées par les oiseaux
- les batracophiles, qui s’attaquent aux batraciens
- et enfin les herpétophiles, qui font des reptiles leurs proies
En réalité, le moustique a besoin de sucre pour voler. Et c’est là qu’il est utile à son environnement. Il passe donc de fleur en fleur pour en récupérer le sucre. C’est ainsi qu’il va polliniser les plantes et permettre leur fécondation. Il est admis que les moustiques participent au même titre que d’autres insectes, à la pollinisation des végétaux.
Les moustiques suscitent l’intérêt des chercheurs en médecine
Lorsqu’il nous pique, le moustique nous injecte de la salive contenant un anti-coagulant. Celui-ci neutralise nos plaquettes et sert à endormir la plaie afin d’éviter qu’on l’écrase alors qu’il s’y trouve encore. Cela lui sert aussi à diluer le sang pour que celui-ci puisse remonter facilement dans sa trompe, sans coaguler.
Mais ce produit provoque aussi une réaction immédiate des mastocytes, des cellules situées dans la couche inférieure de l’épiderme. Celles-ci sécrètent notamment de l’histamine, un neuromédiateur responsable de cette désagréable démangeaison ressentie.
Or, ceci intéresse de près la médecine. Les anticoagulants sont notamment utiles face aux maladies cardiovasculaires, lorsqu’on cherche à éviter qu’un caillot ne se forme dans les artères par exemple. Beaucoup de problèmes liés au processus de coagulation restent non résolus.
Ils sont à l’origine d’une innovation biomimétique
Saviez-vous que les aiguilles médicales actuellement utilisées sont directement inspirées de la trompe des moustiques ?
En effet, les piqûres indolores des moustiques ont suscité l’intérêt de deux sociétés japonaises. Elles ont donc décidé de copier cette vertu pour élaborer des aiguilles médicales d’un nouveau type : des aiguilles qui, comme la trompe du moustique, sont de forme conique et non plus cylindrique.
Après cinq années consacrées à la recherche, deux ingénieurs, Masayuki Okano et Tetsuya Oyauchi, ont découvert une nouvelle méthode défiant les spécialistes et les méthodes traditionnelles de production d’aiguilles. C’est ainsi qu’en 2005, les nouvelles aiguilles Nanopass 33, fabriquées en titane, sont mises sur le marché et se vendent à des millions d’exemplaires.
Cette aiguille a un diamètre externe de 60 micromètres et un diamètre interne de 25 micromètres, comparable au diamètre de la trompe des moustiques de 30 à 40 micromètres. Grâce à cette miniaturisation, le désagrément associé aux seringues ne représente désormais pas plus qu’une piqûre de moustique, soit une douleur quasi inexistante.
Éradiquer les moustiques : un impact écologique incertain
Tous ces rôles sont-ils réellement capitaux pour la biodiversité ? D’autres insectes ne pourraient-ils pas remplacer le moustique s’il venait à disparaître ? Lorsqu’on leur demande, les chercheurs eux-mêmes ne sont pas sûrs des retombées écologiques d’une disparition totale des moustiques. Ils affirment toutefois qu’il y aurait bel et bien de sérieuses conséquences. Ainsi, Frédéric Simard, entomologiste et directeur de recherches à l’Institut de Recherche pour le Développement, explique :
Aucune de ces espèces n’est irremplaçable. Leur disparition pourrait être compensée par l’arrivée d’autres insectes, tels les chironomes (fiche Wiki), qui profiteraient de l’espace ainsi libéré, car la nature a horreur du vide (…) On ne connaît pas de prédateur qui dépende spécifiquement des moustiques.
Jusqu’ici, les spécialistes luttaient contre les moustiques essentiellement en utilisant des insecticides. Malheureusement, en plus de les tuer, à l’aide de pesticides, il faudrait aussi endommager leurs habitats, en vidant des étangs, lacs, ruisseaux. Ceci aurait inévitablement des répercussions sur d’autres espèces animales. Mais détruire leur habitat ne serait pas suffisant. Il faudrait aussi tuer les larves à l’aide de larvicide, ce qui multiplierait les conséquences probables.
De plus, des résistances sont apparues chez les insectes au cours des dernières années, poussant les chercheurs à trouver d’autres méthodes sélectives d’éradication plus complexes mais aussi plus efficaces, comme la « naissance contrôlée du moustique ».
Quoi qu’il en soit, une éradication totale du fléau moustique relève de l’utopie. Frédéric Simard affirme :
Ils étaient là bien avant nous sur Terre, ils n’ont jamais cessé de s’adapter et ils ne sont pas menacés par l’érosion de la biodiversité. On peut tout au mieux tenter de contrôler les moustiques qui transmettent des maladies, afin qu’ils ne représentent plus un problème de santé publique.
L’impossible éradication
Souvenons-nous du cas de l’Amérique Latine, qui avait entrepris une bataille herculéenne dans les années 1950 et 1960 pour éradiquer Aedes aegypti.
L’Organisation Panaméricaine de la Santé avait mis en œuvre toutes les mesures les plus efficaces de l’époque à une échelle massive, y compris vaporiser du très toxique insecticide DDT, depuis interdit. Mais une fois les efforts relâchés, les moustiques étaient revenus sur le continent et avaient également rejoint l’Asie et l’Afrique.
En rayant les moustiques de la surface de la Terre, ne risque-t-on pas, par un effet domino, de provoquer l’extinction d’autres espèces animales ? Et s’il s’avère que l’une de celles-ci mange à son tour des insectes ravageurs de récoltes, déclenchant de facto une famine qui ferait beaucoup plus de morts ?
Reste la question éthique et morale
l’homme peut-il supprimer des espèces entières, aussi meurtrières soient-elles, alors que les humains eux-mêmes constituent un danger pour la nature dans son ensemble ?
Quoi qu’il en soit, l’ère d’un monde sans moustiques n’est pas pour demain. Toutefois, réussir à réduire et contrôler les espèces de moustiques qui transmettent des maladies, pourrait représenter l’une des plus grandes victoires de la santé publique de l’histoire.
Un article de Sophie Guittat
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