J’ai besoin de toujours tout contrôler… c’est plus fort que moi. J’ai besoin de vérifier énormément de choses dans mon quotidien afin de tout maîtriser. Il faut aussi que je m’assure que la moindre petite tâche soit bien accomplie, en passant derrière les autres, ce qui a le don d’énerver mon compagnon… de l’exaspérer même. Je suis au stade de la petite « control freak », comme le nomme les Anglais. Le seul fait d’avoir mis un nom sur mon « obsession » m’aide à faire le tri. J’apprend maintenant à lâcher-prise, ça fait le plus grand bien. Explications…
À quel point avez-vous besoin de tout contrôler ?
Faites le Test et suivez le guide pour parvenir à lâcher prise
Je sais que je suis loin d’être la seule à vivre avec ce sentiment de devoir tout contrôler, d’être obsédée par la perfection, de dresser des listes pour organiser la vie quotidienne. Le moindre imprévu et c’est la panique qui nous gagne. Pour nous, le laisser-aller n’existe pas.
Le psychanalyste Roland Gori explique que les « control freak », terme apparu à la fin des années 60, sont avant tout :
« des gens pris dans une obsession compulsive du contrôle. »
Ce besoin de devoir tout gérer, famille, travail et même soi-même, nous sommes de plus en plus nombreu(x)ses à le ressentir. Nous devenons de véritables accro du contrôle. Le risque n’est jamais très loin de se sentir perdu(e) et de finir par exaspérer notre entourage. Avant de perdre pied, voici quelques petits conseils pour parvenir à lâcher du lest.
D’où vient se besoin de toujours tout contrôler ?
Lysiane Panighini est psychothérapeute et praticienne en relation d’aide, elle observe que :
Ce concept du « contrôle à tout prix » émerge véritablement depuis quelques décennies et prend de plus en plus d’ampleur dans la vie des gens
Au travail comme à la maison, aucun détail n’échappe à la vigilance de celui qui contrôle tout. Pour lui c’est impératif : il doit s’occuper de tout. Pour garder la main mise sur les achats, les finances, le planning, les activités, etc., le control freak dicte à son entourage le comportement qu’il doit adopter.
Ce n’est pas possible pour lui de laisser son compagnon, par exemple, choisir une pomme sur l’étal du marché, car il a peur qu’il ne prenne pas la plus belle, ou en tout cas, celle que lui aurait choisie. Tout ce qui se déroule sous ses yeux se doit d’être planifié, calculé, dirigé, remanié, pour atteindre une perfection qui, en fin de compte, n’existe pas.
Un perfectionnisme paralysant
Le control freak est perfectionniste, mais c’est un perfectionnisme paralysant, car rien n’est jamais comme il faudrait. Un sentiment de supériorité inconscient le pousse à prendre les devants, car selon lui, les autres ne savent pas gérer les imprévus.
Rien n’est laissé au hasard, tous les détails et aléas sont imaginés et pris en compte. Avoir le contrôle sur tout et tout le monde, c’est réduire nos chances de souffrir d’au moins 98%. Donc, en contrôlant notre environnement, on augmente nos chances de voir nos plans se dérouler comme prévu.
La conséquence, c’est une vie dans un état de stress et de déception permanent car les autres gardent malgré tout leur libre-arbitre, et que rien ne se passe jamais vraiment comme prévu.
Alors c’est l’énervement, un sentiment de mal-être excessif qui nous gagne. On se retrouve souvent à deux doigts de la crise d’angoisse à cause d’un tout petit détail.
La peur de l’échec
Quand un control freak réussit à contrôler, il se sent soulagé, mais « s’il n’y parvient pas, alors il vit énormément de stress, de frustration et de colère. » explique Camillo Zacchia, psychologue clinicien à l’Institut Douglas de Montréal, spécialiste du traitement des troubles anxieux.
La peur et le sentiment d’insécurité sont ses plus grands ennemis.. En s’obligeant à viser la perfection, si difficile à atteindre vu le degré d’exigence imposé, il est très souvent malheureux. Cette peur du non-contrôle dirige sa vie et, par conséquence, son entourage. Un sentiment de stress extrême qui peut également le mener à refuser de s’aventurer en terrain inconnu, où il pourrait ne pas réussir.
Angoisses, nuits blanches, insatisfactions, dévalorisations, tout prend une ampleur démesurée chez le control freak qui développe alors la phobie de perdre le contrôle. Dans les cas les plus graves, le besoin de tout contrôler est associé à des TOC, Troubles Obsessionnels Compulsifs, selon l’Institut universitaire en santé mentale de Québec.
Quand doit-on sonner l’alarme ? Réponse du psychologue
Pour Camillo Zacchia, il y a deux signes qui ne trompent pas :
quand ce besoin de tout contrôler cause une grande souffrance à la personne et l’empêche de vaquer normalement à ses activités quotidiennes. Et quand ce comportement a des conséquences néfastes sur la santé de la personne contrôlante et sur ses relations avec ses proches ou sur son travail.
Toujours tout contrôler frôle l’obsession chez vous ? Peut-être vous êtes-vous reconnus(es) dans cette description du control freak ? Pour être fixé sur la question, je vous invite à faire le petit test suivant.
TEST : êtes-vous control freak ?
Notez vos réponses 1 , 2 , 3 ou 4 sur un bout de papier libre, pour chacune des 12 questions :
Réponse 1 = Rarement ou jamais
Réponse 2 = Occasionnellement
Réponse 3 = Souvent
Réponse 4 = Très souvent
- Vous imposez-vous beaucoup de règles personnelles, routines, rituels, vérifications ?
- Réagissez-vous plutôt mal aux imprévus et préférez-vous tout planifier ?
- Évitez-vous de faire des choses dans les domaines où vous n’excellez pas ?
- Que ce soit au travail ou à la maison, acceptez-vous de déléguer ou de demander de l’aide
- Insistez-vous pour avoir le dernier mot et démontrer que vous avez raison ?
- Suggérez-vous à votre entourage beaucoup de « il faudrait » et « tu devrais » ?
- En voiture, « aidez-vous » le conducteur en lui disant quel parcours prendre, quand tourner, où se garer, que le feu de signalisation a changé ?
- Consacrez-vous beaucoup d’attention et d’énergie à garder votre maison en ordre ?
- En ce qui concerne vos enfants, imaginez-vous les pires scénarios et faites-vous tout pour réduire le risque à zéro ?
- Planifiez-vous toutes les sorties, les vacances, les activités, pour que rien ne soit laissé au hasard ?
- Reconnaissez-vous que vous faites des erreurs et acceptez-vous de changer d’avis ?
- Êtes-vous en colère ou inquiet quand les choses ne vont pas comme vous prévu ?
Faites maintenant le total en additionnant vos réponses, avant de vous reportez aux résultats.
RÉSULTATS
- Entre 12 et 23 : Votre adage est « Vivre et laisser vivre ». Vous acceptez sans difficulté l’impondérabilité de la vie et vivez très bien avec elle.
- Entre 24 et 35 : Vous avez une légère tendance à vouloir tout contrôler ! Ne perdez simplement pas de vue l’importance de s’abandonner et de faire confiance à la vie et aux autres. N’hésitez pas à multiplier les occasions de lâcher prise.
- Entre 36 et 48 : Votre besoin de contrôle est important. Avoir besoin de tout gérer n’est pas une maladie, mais c’est une façon d’être qui ne vous sert pas nécessairement aussi bien que vous pouvez le penser. Parlez-en à votre conjoint, à vos amis les plus proches et essayer surtout de vous détendre et de lâcher prise.
Control freak : 5 conseils pour lâcher prise
Besoin de tout manager, incapacité à déléguer, à faire confiance, etc. Ne vous inquiétez pas, vous pouvez tout apprivoiser. Détendez-vous, apprenez à lâcher du lest et laisser faire les choses !
1 . Se faire confiance
Le control freak est sans arrêt dans des mécanismes de défense. Il doit apprendre à s’ouvrir aux autres, leur faire davantage confiance et s’octroyer plus de spontanéité. Mais pour arriver à faire confiance aux autres, il faut déjà reprendre confiance en soi en apprenant à :
2 . Faire face aux situations qui déstabilisent
Oser prendre des risques, mais se donner les outils nécessaires pour parvenir à son but en respectant ses limites, c’est-à-dire en se fixant des défis à sa mesure. Nicole Bordeleau se souvient que parfois, il suffit d’un déclic pour réaliser que tout contrôler est impossible :
Quand j’étais plus jeune, je vivais avec une colocataire et, un jour, je lui ai dit qu’elle s’y prenait mal pour laver la vaisselle. Elle m’a répondu calmement qu’il existait 150 façons de laver la vaisselle et que, moi, je n’en connaissais qu’une seule.
Une petite phrase anodine qui a pourtant tranquillement conduit son auteure, conférencière et fondatrice de YogaMonde à apprendre à lâcher prise.
Je crois que ce grand besoin de contrôle relève beaucoup de l’anxiété et du perfectionnisme.
3 . Prendre du recul
Souffler de temps en temps est vital ! La meilleure façon pour commencer à lâcher prise est de s’attaquer aux petites choses anodines qui nous tracassent. Par exemple, déléguer des tâches qui ne sont pas trop importantes : lavage du linge, réservation du restaurant, choix des activités dominicales etc.
À force de constater que la terre ne s’ouvre pas sous nos pieds chaque fois qu’on lâche prise, on sera plus apte à accepter des défis plus grands par la suite.
4 . Méditer, se relaxer
Il existe mille façons de se détendre et de décrocher de ses pensées de toujours tout contrôler : la lecture, la chanson, le sport, la respiration, la méditation pleine conscience, la sophrologie, etc.
Tout travail accompli dans le but de s’apaiser est gratifiant : le plaisir, la joie de vivre, le constat que la vie apporte non seulement son lot d’événements imprévisibles, mais aussi de très belles surprises.
la nécessité de s’arrêter parfois, de prendre du recul et d’être simplement dans l’instant présent et non plus dans l’anticipation permanente.
-Lysiane Panighini-
La méditation, la sophrologie, la relaxation, le yoga peuvent être d’un recours précieux pour faire la paix avec ses propres émotions et pour ressentir la richesse de l’instant présent.
5 . Identifier les effets néfastes de cet excès de contrôle
Sans porter de jugement, il convient de se désolidariser de cette manie de tout contrôler. Pour Lysiane Panighini, il s’agit de :
déconstruire ce comportement que l’on peut résumer par « je veux tout contrôler et être parfait(e) », de façon à ce que la personne se rende compte que le problème ne vient pas d’elle, mais d’un contexte.
Ensuite, il faut identifier les effets de ce comportement dans la vie de la personne et de ceux qui l’entourent :
- Est-ce que cela nuit à son couple, à ses relations amicales ou professionnelles ?
- Est-ce que sa volonté de tout contrôler va parfois à l’encontre de ses valeurs, comme la compassion ou encore le plaisir de profiter simplement de la vie ?
Un travail, en lien avec un psychologue ou un psychothérapeute peut parfois permettre au control freak d’être à nouveau en cohérence avec soi-même. L’hypnose peut également aider à prendre de la hauteur, à se détacher des événements passés et présents pour aller de l’avant, à accepter que la vie peut être vécue spontanément.
Apprendre à lâcher-prise et contrôler de sa vie sont deux notions à savoir accorder. Le plus important est de trouver son équilibre et d’accepter de nouvelles situations pour réapprendre à croquer la vie à pleines dents.
>> le petit + qui fait tout :
Je vous recommande ce livre qui est une bonne entrée en matière pour comprendre les points importants et parvenir à changer certains comportements : Arrêter de tout contrôler : Les joies de l’inattendu et de l’imprévu de Odile Chabrillac
Un texte de Sophie Guittat
Sources : La dignité de penser de Roland Gori, et psychologytoday.com