Code du travail : « même la droite n’envisageait pas d’aller aussi loin »
Gérard Filoche, membre du bureau du PS bien connu pour ses envolées lyriques, ne mâche pas ses mots sur la réforme du code du travail que veut mettre en place son propre camp politique. Lui qui était inspecteur du travail, voit ce projet comme une « attaque thermonucléaire » contre toutes les protections des salariés.
Code du travail : « même la droite n’envisageait pas d’aller aussi loin »
Qui, parmi ceux qui ont donné leur voix pour mettre la gauche au pouvoir, ceux qui ont élu un socialiste à la plus haute fonction de l’Etat, qui donc aurait pu croire cela? Certainement pas Gérard Filoche. L’ex-inspecteur du travail et membre de la direction du PS, est bien placé pour commenter cet avant-projet de loi El Khomri, engagé pour réformer le monde du travail.
Il s’est confié à Julia Hamlaoui, dans un entretien réalisé pour pour l’humanité.fr :
À la lecture de l’avant-projet de loi El Khomri, reste-t-on selon vous dans le champ d’une simple «simplification» dont parlait la mission Badinter ?
C’est une attaque à la bombe thermonucléaire contre l’ancien Code du travail
Gérard Filoche. Non, c’est un véritable bouleversement. Valls avait annoncé qu’il ne voulait pas d’une réformette mais d’une révolution. Nous sommes face à la plus importante contre-révolution depuis un siècle. C’est une attaque à la bombe thermonucléaire contre l’ancien Code du travail. Depuis un siècle, le droit du travail s’est construit pour permettre de protéger les salariés contre les exigences des entreprises et de l’économie. Et voilà qu’ils font l’inverse, ils nous ramènent au statut de loueurs de bras, de tâcherons, de soumis sans droit. C’est la casse de la grande tradition de reconnaissance du salariat comme moteur de la production des richesses.
Le gouvernement avait promis de ne pas s’attaquer aux 35 heures, quelle est votre appréciation ?
Les 35 heures ne sont plus, dans ce projet, qu’une éphémère plaisanterie
Il a menti, noir sur blanc. Les 35 heures ne sont plus, dans ce projet, qu’une éphémère plaisanterie. En une dizaine de chapitres, tous les contrôles sur la durée du travail sautent. Les gens vont avoir du mal à le croire, mais il est bien écrit que la durée maximale du travail pourra, par forfait ou négociation, excéder les 12 heures par jour, tout comme elle pourra dépasser les 48 heures par semaine, pour atteindre les 60 heures.
C’est au nom de l’inversion de la courbe du chômage que le gouvernement justifie ses réformes ; quels dangers pour l’emploi recouvre cet avant-projet ?
L’ampleur du mensonge est fracassante
De telles transformations augmenteraient massivement le chômage. Il s’agit de faire travailler plus ceux qui ont un travail au détriment de ceux qui n’en ont pas. L’ampleur du mensonge est fracassante. On atteint des sommets de propagande et de contresens. Comment peut-on prendre des millions de salariés pour des gogos, prétendre qu’il s’agit de leur permettre d’avoir un travail alors que, pour beaucoup, cela le leur enlèvera, et que, pour les autres, cela les exploitera, brisera leur santé ? D’où tout cela vient-il ? Personne ne le demande, à part Pierre Gattaz, et même lui doit sûrement en ce moment s’étonner de la hardiesse ultralibérale de ce projet.
Le gouvernement prétend promouvoir le «dialogue social» via le référendum et les accords d’entreprise. Quels sont les risques ?
Il enterre au contraire le dialogue social. Il ne peut y avoir de référendum dans une entreprise puisque les parties ne sont pas à égalité. Le salarié est subordonné, avec un canon sur la tempe quand il doit se prononcer comme chez Smart.
En outre, les dispositions prévues rendent possibles tellement de dérogations à la loi que pratiquement plus rien de l’ordre public social ne restera en place. Il y aura 10.000 Codes du travail dans 10.000 entreprises.
Les syndicats et une majorité de gauche peuvent-ils entériner ces mesures ?
une attaque contre l’histoire même du PS
Gérard Filoche Tout syndicat devrait immédiatement appeler à descendre dans la rue. On est à l’os, il est vital de se défendre. Quant à la majorité, celle que je connais a appelé à reconstruire et à renforcer le Code du travail. C’est un reniement en profondeur du gouvernement, une attaque contre l’histoire même du PS. Les députés qui ont par le passé voté tout le contraire de ce texte seront soumis à leur propre conscience. Même la droite sarkozyste n’envisageait pas d’aller si loin.
Mon opinion. C’est véritablement honteux de vouloir dépouiller des millions de travailleurs de leurs droits, acquis au cours de dizaines d’années de luttes difficiles menées par nos parents, nos grand-parents et leurs parents avant eux… Comble de l’ironie : c’est le PS qui va détruire le code du travail, piétinant d’un seul pas en arrière : son histoire, ses combats, le peu de confiance que les travailleurs avaient encore en l’avenir, le coeur de son électorat… nous assistons à un véritable suicide en règle du parti socialiste français.
Source : humanite.fr
A voir : le blog de Gérard Filoche
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