La dépénalisation pour faire reculer la consommation de cannabis
Étonnante intervention télévisée du Professeur Bertrand Dautzenberg, ce pneumologue tabacologue parle de dépénalisation de l’usage du cannabis… pour en faire reculer la consommation. Il va même plus loin en conseillant des usages moins nocifs pour la santé que le mélange tabac/cannabis qui est selon lui, le plus nocif des modes de consommation.
La dépénalisation pour faire reculer la consommation de cannabis
Le cannabis est une drogue. Si certains lui attribuent le qualificatif de « douce », elle n’en reste pas moins dangereuse pour la santé. Cela dépend de l’usage qui en est fait bien sûr.
Si le « cannabis thérapeutique » expérimenté et même adopté dans plusieurs pays semble promis à un bel avenir, il n’en va pas de même pour son usage récréatif -comprenez le traditionnel pétard fumer entre amis, ou seul à la maison.
Pourtant la situation actuelle, avec la pénalisation des usagers, ne permet pas d’envisager des résultats probants pour lutter contre la consommation de cannabis. Si tel était le cas, la France ne détiendrait pas le record d’Europe, avec 1,4 million de consommateurs réguliers, dont 700.000 qui en font un usage quotidien. En tout 12 millions de Français l’auraient déjà consommé. Le constat est criant pour le Pr. Dautzenberg:
On a la preuve que la législation la plus contraignante d’Europe est associée à la consommation la plus forte d’Europe.
Faut-il alors envisager de dépénaliser l’usage du cannabis pour espérer voir le phénomène reculer? C’est ce que demande le pneumologue qui exerce sa spécialité à l’Hôpital de la Salpêtrière de Paris.
Dépénaliser le cannabis pour lutter contre son usage
Si de prime abord l’idée peut sembler paradoxale venant d’un professeur de médecine en pneumologie et tabacologie, plusieurs arguments viennent l’appuyer:
« La légalisation du cannabis chez les Américains, par exemple, n’augmente pas la consommation, diminue les accidents de la route, etc., et augmente aussi les recettes de l’Etat car ils prennent une taxe dessus et c’est ce que demandent 83% des jeunes Français. Mais les lois en France sont faites par des vieux. »
- Dépénaliser permet de lutter plus efficacement contre le phénomène. Cette affirmation se vérifie aux USA donc, mais pas seulement. Citons le cas remarquable du Portugal qui enregistre le taux de consommation le plus faible d’Europe, en chute constante depuis 15 ans que la dépénalisation est en place. Les Pays-Bas affichent également des résultats bien meilleurs que ses voisins, « malgré la législation permissive » diront certains, « grâce au bon sens » pour les autres.
- L’argent de la drogue pour financer la lutte. « Pour la première fois, la marijuana a rapporté au fisc plus que l’alcool dans un Etat américain » peut-on lire sur lemonde.fr, ou sur liberation.fr qui titrait « Marijuana : le Colorado ne sait plus quoi faire de son argent« . Se réapproprier l’argent de la drogue généré par le trafic, pour voir augmenter les recettes de l’Etat n’est pas une utopie. Et alors, pourquoi ne pas envisager d’utiliser cette TVA cannabis pour financer les campagnes de prévention, la prise en charges médicale, le soutient psychologique, etc?
- « C’est ce que demande 83% des jeunes français ». Au delà de ce chiffre annoncé qui est difficilement vérifiable, on peut se questionner sur la législation répressive en place. Une loi qui met autant de citoyens « hors la loi », en ne répondant pas au problème de façon satisfaisante, depuis des dizaines d’années… est-elle une bonne loi? Une fausse question, puisque tout le monde en connaît la réponse. Mais personne n’ose cependant s’attaquer au problème. Les carrières politiques, souvent fumantes ou fumeuses, sont rarement courageuses.
Le Pr. Bertrand Dautzenberg estime que :
Si on veut diminuer la consommation de cannabis en France en terme de santé publique, il faut la mettre dans une voie légale. Ainsi on pourra la contrôler, faire de la prévention à l’école et sur le lieu de travail. Ainsi la consommation de cannabis baissera (…) La situation actuelle d’interdiction totale (…) favorise la consommation. Je suis contre le cannabis, je veux que la consommation baisse, mais pour cela il faut prendre des mesures efficaces. Il faut arrêter la bêtise actuelle qui veut qu’on soit à des kilomètres de la réalité actuelle.
Mieux consommer le cannabis
Maintenant que l’idée d’en dépénaliser l’usage ne vous effraie plus (!) il est temps d’évoquer les modes de consommation. Malheureusement, le plus répandu est également le plus nocif, le spécialiste médicale explique :
La fumée est toxique pour les poumons, que ce soit la fumée du diesel, la fumée du tabac ou la fumée de cannabis. Et la France est le pays d’Europe qui fume le plus. C’est aussi le pays qui utilise le plus la forme la plus sale du cannabis: c’est-à-dire le mélange de tabac et de résine de cannabis.
N’en déplaise à ses défenseurs, tout thérapeutique qu’il soit sous certaines formes, le cannabis fumé est bel et bien toxique. La fumée des pétards est une abomination pour les poumons, bien plus que celle du tabac légalement consommé. D’où l’importance, pour le pneumologue, de faire la publicité de modes de consommation beaucoup moins nocifs.
Le cannabis est une substance dangereuse et il ne faut pas consommer de cannabis. Mais dans un monde où les gens consomment du cannabis autant le consommer plus proprement.
Le pétard favorise le tabagisme. « Le premier conseil est de ne pas mettre de tabac quand on consomme du cannabis. » Car, pour le tabacologue, chaque pétard aggrave la situation de dépendance tabagique. Il n’est pas envisageable de pouvoir arrêter de fumer si on « croise » un pétard de temps en temps lors d’une soirée entre amis.
Herbe vaporisée plutôt que résine fumée. Le conseils du Professeur : « consommer des feuilles de marijuana plutôt que de la résine, qui est beaucoup plus toxique« . Ensuite, il est nettement préférable de procéder à la vaporisation du cannabis, qui ne produit aucune fumée. C’est beaucoup moins toxique pour l’organisme.
Le changement c’est maintenant ?
Comme le Professeur Dautzenberg et probablement des millions de Français, consommateurs ou non; c’est la société entière qui en appelle aux pouvoirs publiques. Le cannabis doit être pris en considération pour son impact sanitaire, pour l’importance de l’économie qu’il génère aussi. L’argent nécessaire pour organiser une prise en charge réelle de la situation existe, pour peu qu’on prenne la peine de le collecter, au lieu de le laisser aux trafiquants.
Finalement, la seule grande absente est une politique courageuse. On a le droit d’y rêver, mais sans fumer de pétard…
L’intervention télévisée du Professeur Bertrand Dautzenberg dans le Magazine de la santé du 14 janvier 2016
Source : francetvinfo.fr
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