Le Hameau des Buis : l’écovillage intergénérationnel inspiré par Pierre Rabhi

On ne le présente plus, tellement Pierre Rabhi, agriculteur, philosophe et essayiste, a inspiré de nombreux personnes devenues adeptes de ses thèses largement éprouvées. Nous vous proposons de découvrir l’une des nombreuses initiatives d’agroécologie mise en pratique, Le Hameau des Buis en Ardèche, fondé par Sophie Rabhi-Bouquet… sa fille.

Le Hameau des Buis : l’écovillage intergénérationnel inspiré par Pierre Rabhi

«  Vous cherchez le Hameau des Buis ? À deux kilomètres d’ici, vous verrez des espèces de maisons en bois. C’est là ! »

Que pense le vieil Ardéchois qui indique le chemin du Hameau des buis au visiteur ? L’histoire ne le dit pas. C’est long de convaincre les gens du cru que les habitants du hameau se livrent à de tout autres cultures que celle du cannabis, qu’ils ne s’agenouillent devant aucun gourou, et que leurs logements dont certains n’ont rien à envier à l’habitat traditionnel.

Le regard clair de Sophie Rabhi-Bouquet, la précision de son propos, sa simple élégance suffisent à faire oublier une telle caricature.

Quatrième des cinq enfants de Pierre et Michèle Rabhi, c’est elle qui durant des années, a mûri le projet jusqu’à le faire aboutir, il y a dix ans, sur ces arides collines. C’est dans une dynamique constructive et ouverte que se déploie le collectif du Hameau des Buis, à l’opposé de tout repli.

Il n’est pas question pour nous d’être des marginaux, affirme-t-elle. Ma famille s’est toujours trouvée très impliquée dans la société. Mon père est dans une vie publique. Pour moi, il est très important que ce que nous faisons ici soit perçu comme une force de proposition, pas comme un radeau de naufragés qui diraient ‘‘après nous le déluge, on va sauver notre peau.

Un lieu de vie différent

Alors, de quoi s’agit-il au juste ? Un tour du propriétaire donne déjà une idée de ce lieu de vie pas comme les autres. Des panneaux expliquent dès l’entrée :

Le Hameau des Buis est un lieu de vie pédagogique, écologique et intergénérationnel qui comporte une école, des habitations, une structure d’accueil, une ferme – polyculture, petits élevages fermiers…

L’un des 20 logements du Hameau des Buis ©Xavier Pagès

Et plus loin :

Le Hameau des Buis propose des solutions concrètes et reproductibles aux impasses que rencontre notre société actuelle, notamment une écologie pratique, l’intégration et la valorisation des personnes âgées, une éducation respectueuse de l’enfant et adaptée aux enjeux actuels, des modes relationnels non violents.

En poursuivant la promenade, on longe un quartier de quelques maisons en bois entourées de jardins fleuris, de tailles diverses, sans que rien ne semble rangé au carré. Plus bas, voici l’école, ancien bâtiment en pierre rehaussé d’une structure en bois derrière lequel s’étend le jardin potager des enfants, peuplé de papillons, d’où l’on jouit d’une vue étendue sur la vallée creusée par le Chassezac, un affluent de l’Ardèche.

La ferme familiale comme milieu scolaire

L’école. C’est d’elle, au fond, que tout part. Sophie Rabhi-Bouquet, qui en est la fondatrice et la directrice, raconte :

« L’aventure commence sur la ferme de mes parents, arrivés à deux kilomètres d’ici en 1963. Je grandissais dans un chantier permanent. Les activités s’y sont diversifiées. Un jour, ma mère, par le biais de l’association ‘‘Accueil Paysan’’, a choisi de recevoir des enfants à la ferme durant les vacances scolaires. J’avais 18 ans, ça m’a passionné. Puis j’ai pensé que la ferme pourrait constituer un milieu scolaire avec la nature comme un livre ouvert. »


Sophie Rabhi-Bouquet

Après des études en sciences du langage et dans l’audiovisuel, elle décide de revenir en 1999 et passe aux actes, ouvrant une école dans la ferme familiale. Avec un parent d’élève, elle lance ensuite l’idée d’ouvrir un nouvel endroit qui serait un carrefour de générations entre les enfants et les retraités – ceux qui ont connu l’ère industrielle, qui savent quels en sont parfois les chausse-trapes et qui voudraient transmettre leur savoir.

Elle découvre que cela répondrait à une attente :

«  » Beaucoup rêvaient d’un lieu innovant pour les futures générations.

Sa rencontre avec Laurent Bouquet aura permis la mise en œuvre du Hameau des Buis en 2003. Cet élagueur professionnel, devenu son mari, en a assuré jusqu’ici la gestion technique et financière – après des réticences initiales. L’école primaire accueille aujourd’hui une soixantaine d’élèves ; cinquante personnes, dont vingt enfants, habitent là désormais, les personnes âgées ayant fait place à quelques familles dont les premières sont arrivées en 2008.

« Prendre soin de l’humain, c’est aussi prendre soin de l’écologie »

Il ne peut y avoir de révolution écologique sans révolution du cœur humain.

… commente Laurent Bouquet, qui connaissait Pierre Rabhi avant de rencontrer sa fille, aimait son côté anti-héros et avait été captivé par sa candidature à l’élection présidentielle de 2002 :

Je sortais d’un échec professionnel lié à une mésentente avec deux associés, raconte-t-il. J’ignorais jusque-là que la principale peau de banane dans les problèmes, c’est en nous qu’elle se loge. La pierre angulaire de l’écologie, c’est l’humain, reprend sa compagne. Donc, prendre soin de l’humain, c’est aussi prendre soin de l’écologie.

Dehors, assise sous le soleil printanier à côté de l’école derrière laquelle se profilent les flancs de la vallée, en contrebas, la jeune femme précise ce qui lui tient à cœur :

Il nous faut prendre conscience que nous sommes souvent très agressifs vis-à-vis de nous-mêmes. Que ne nous faisons-nous pas endurer par certaines consommations, addictions, rythme de travail, rythme de vie ! Et du coup, quelle agressivité à l’encontre de l’autre dans des sociétés fondées sur la domination, le pouvoir, l’argent, la solitude, la violence d’un système économique qui ignore le vivant et nous rend prédateurs des ressources naturelles !

Une expérience à découvrir

Florence Rataud, 51 ans, ancienne chef d’entreprise à La Réunion, est arrivée l’an dernier avec ses deux enfants, Maxime, 12 ans, et Tania, 13 ans.

Elle charge avec son fils une brouette de larges planches non rabotées qu’elle utilisera pour faire barrage aux rhizomes de bambous autour de son jardin.

Ici, ce n’est pas le monde des bisounours, lâche-t-elle. J’ai confiance. Beaucoup d’ingrédients me permettent de penser que cette expérience va perdurer.

L’été dernier, l’éco-village abordait une période charnière où le gros du chantier auquel ont participé la plupart des résidents fu terminé, où un collège qui compte dix-sept élèves a ouvert ses portes, où il va falloir trouver un rythme de croisière :

un temps où l’on n’est plus dans le faire mais dans l’être, résume Florence Rataud.

Un temps que Sylvette Rey, enseignante retraitée ici depuis cinq ans et qui se définit comme « un animal social », met déjà à profit pour nouer des contacts avec les Ardéchois en randonnant avec eux :

Car il est très important de changer les rumeurs.

Un montage juridique et financier sur mesure

Le Hameau des Buis est novateur jusque dans les modes de financement et les montages juridiques. Après trois ans de recherche, une solution sous forme de deux contrats liant la SC Hameau des Buis et les résidents a été trouvée.

Premier contrat : les habitants, en s’installant, apportent leur contribution financière, avec un prêt à taux zéro dont le capital est indexé sur l’indice de référence des loyers connu au moment de la signature du contrat. Cela leur permet à la fois de ne rien perdre de la somme engagée et d’éviter toute forme de spéculation.

Second contrat : il concerne ce qu’au Hameau des Buis on appelle « les charges solidaires » : l’engagement financier mensuel demandé aux résidents est proportionnel à la somme pour laquelle ils se sont engagés, qui est fonction de leur surface d’habitation, et qui correspond au marché locatif local.

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Source : article paru sur lacroix.com

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