Le Sénat rejette le texte contre le harcèlement sexiste dans les transports
A la surprise générale, le Sénat vient de supprimer un article de loi visant à lutter contre le harcèlement sexiste dans les transports. Ce texte introduisait deux notions importantes de recensement des actes commis et de formation du personnel des sociétés de transport. Décidément, certains sénateurs ne réalisent pas qu’ils représentent aussi l’autre moitié de la population. On comprend mal les motivations poussant nos représentants à prendre une telle décisions…
Le Sénat rejette le texte contre le harcèlement sexiste dans les transports
Marche arrière du Sénat sur le harcèlement des femmes
En 2015 pourtant, les choses semblaient prendre la bonne direction, le gouvernement décidait de prendre le problème en main. Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes et Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des Transports, présentait le plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles.
C’était une première en France et un formidable espoir donné aux femmes qui trop souvent se retrouvent piégées dans un bus ou un wagon. Les regards inquisiteurs, les mains baladeuses, les frottements… font parti du quotidien d’un nombre mal évalué de victimes. D’après une étude du Haut Conseil à l’Égalité entre les Hommes et les Femmes, on estime que :
100% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement dans l’espace public
Des millions de femmes sont ainsi privées de la reconnaissance de la Nation d’un statut -bien peu enviable- de victimes de harcèlement sexiste. Lorsque la campagne #HarcèlementAgissons avait été lancée, pour la première fois, on assistait à une action nationale. On sortait enfin du simple débat de société récurant :
- le harcèlement sexiste existe-t-il ?
- dans quelles proportions ?
- est-ce vraiment un problème ?
Oui, oui et oui. On semblait alors en avoir terminé avec ces préoccupations de premier ordre. Le texte conférait un statut particulier aux victimes, traduisant une réalité… que les Sénateurs contestent donc en supprimant l’article 14 de la loi. Pourtant, certain(e)s pouvaient trouver cet article bien peu ambitieux. Il avait au moins le mérite de reconnaître la réalité du problème.
Ce que la loi devait changer
Marie Le Vern, députée de Seine-Maritime, est membre de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui a travaillé à la préparation de ce texte. C’est elle qui y a fait insérer deux amendements, soutenus par la délégation des droits des femmes à l’Assemblée Nationale, devenus l’article 14 du texte provisoire.
Sur le site madmoizelle.com, la députée précisait que cet article 14 devait permettre d’introduire deux outils. De nombreuses associations, ainsi que les pouvoirs publics, n’ont pas de données chiffrées concernant ces harcèlements sexistes dans les transports.
1. Recenser les atteintes commises et les moyens de lutte mis en oeuvre
La première mesure visait à demander aux transporteurs privés (RATP, SNCF, etc) de recenser les atteintes commises; et surtout de préciser le contenu de leurs actions dans la lutte contre les harcèlements sexistes. Pour Marie Le Vern:
Les transporteurs doivent publier quelles sont leurs actions pour lutter contre les violences. On ne peut pas être dans le déni (…) Ça permettrait de prouver la réalité de ces agissements, parce qu’il y a encore des personnes qui en doutent
2. Formation du personnel de sécurité
Un autre point essentiel, contenu dans les dispositions supprimées, portait sur la formation des services internes de sécurité qui interviennent dans les transports. La députée donne quelques exemples :
Apprendre à faire une fouille au corps non intrusive, repérer et retrouver les frotteurs dans le métro, pour l’instant les personnels de sécurité des transporteurs privés n’y sont pas formés.
Il en va de même pour l’accueil des victimes et la prise en compte de la gravité des actes subis: la formation est nécessaire. Dans les commissariats, les policiers sont formés à ça. Ce n’est pas le cas des personnels des services de sécurité internes aux sociétés de transport.
En quoi ces deux mesures ont-elles dérangé les Sénateurs ?
Pas du domaine de la loi
Pourtant, cet article 14 a été validé par la Commission, et adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale le 17 décembre 2015. C’est alors au tour du Sénat de se prononcer sur le texte, au Palais du Luxembourg : l’article 14 est purement et simplement supprimé dans la version adoptée par le Sénat le 28 janvier 2016.
Cette décision des Sénateurs est motivée parce que le harcèlement sexiste «semble se distinguer des actes de délinquance, alors même que le harcèlement sexuel est un délit», donc il est déjà pris en compte par la loi.
Le harcèlement fait au femme dérange-t-il autant qu’il faille le cacher?
Force est de constater Messieurs les Sénateurs, que cette prise en compte par la loi s’avère bien peu suffisante au regard de l’étendue du problème, qui se traduit par un nombre considérable de victimes au quotidien!
Pourquoi créer une disposition législative visant à mesurer concrètement la réalité du harcèlement sexiste, puisqu’il est déjà compris dans les «actes de délinquance»… Le harcèlement sexiste se trouve noyé dans la masse des chiffres de la délinquance. On ne peut que constater l’inefficacité de la publication de ces chiffres en l’état, au regard des doutes persistants à reconnaître la réalité de la situation des femmes dans les transports en commun : vous en êtes, Messieurs les Sénateurs, la preuve flagrante!
Quand on connait, par ailleurs, l’enjeu des statistiques de la délinquance pour le gouvernement en place : on peut aussi émettre de sérieux doutes sur la réalité qu’ils sont censés représenter. Vos statistiques servent votre cause. Les chiffres qui émaneraient de sociétés privées seraient-ils si dérangeants ? Personne n’en doute plus.
Sourse : madmoizelle.com
Utile : Trouver son sénateur
Partagez votre indignation sur les réseaux sociaux pour susciter des réactions:
Les commentaires sont fermés.