Procrastiner : pourquoi faire aujourd’hui ce que je pourrais faire demain?

Procrastiner pour arrêter de fumer, trier la paperasse, changer de job, faire le ménage, se mettre au sport… Une liste pleine de bonnes et grandes résolutions, qui finissent souvent par être remises à plus tard. Manque de volonté, de temps, d’organisation ou conflit inconscient ? Procrastinateurs en puissance, nous le sommes tous, mais si ce n’était pas une fatalité ?

Et si la procrastiner n’était pas un défaut mais plutôt une forme d’intelligence ?

Même si le terme ne vous est pas forcément familier, vous avez certainement, comme tout le monde, expérimenté le phénomène de procrastination au moins une fois dans votre vie. Il s’agit de cette (étrange) attitude qui consiste à reporter à plus tard les tâches les plus importantes et urgentes pour s’intéresser à d’autres complètement inutiles. Une présentation à réaliser demain alors que votre carrière est en jeu ? Des papiers administratifs à remplir au plus vite ? La maison à ranger et nettoyer ?… Ok, pas de soucis, mais avant, un petit tour sur Internet, sur Facebook, juste pour voir, hein, mais rapidos…

Procrastiner : un mot barbare, mais une réalité assez courante

Celui qui procrastine (le procrastinateur) remet systématiquement à demain ce qu’il doit faire tout de suite et il trouve toujours une « bonne » raison pour se justifier.  Qui n’a jamais eu ces mots à la bouche :

  • « Ah zut, j’ai encore oublié ! »
  • « Il faut que je le fasse ! »
  • « Je vais devoir prendre le taureau par les cornes »…

Non, procrastiner ce n’est pas décider de ne pas agir, c’est reporter l’acte et cela de manière chronique.

Je procrastine … phénomène curieux que j’apprivoise !

Avant toute chose, retournons en arrière et opérons un petit tour d’horizon des raisons qui nous poussent à freiner, et les solutions pour s’améliorer.

Je n’ai pas envie de le faire

Les factures à payer, la déclaration d’impôts que l’on boucle à la dernière minute, la pile de linge à repasser qui grossit à vue d’œil, etc. Les tâches routinières nous apparaissent comme des contraintes. Les différer nous permettrait, selon Freud, de privilégier le plaisir immédiat. Et si c’était juste par manque d’intérêt ?

La solution : Identifier les bienfaits que cela pourrait nous apporter. Car même les corvées les plus barbantes peuvent trouver du sens :

  • du linge impeccable grâce à une séance de repassage,
  • moins de stress une fois notre situation fiscale en règle, etc.

Visualiser la finalité de l’action plutôt que la tâche en elle-même, c’est tout de même plus motivant !

J’ai du mal à passer à l’acte

Quand on a une idée précise de ce que l’on doit accomplir, on prend parfois plus de plaisir à peaufiner son projet qu’à le réaliser. Par exemple, je passe beaucoup de temps à me renseigner sur les régimes et les sports qui existent, pour maigrir ou me sculpter. Bref, je suis devenue une spécialiste du sujet, sans être passer par la case pratique.

La solution : Pour se motiver, rien de tel que de mettre sur papier les avantages et les inconvénients à procrastiner sur le sujet qui nous pose problème. On dresse donc un tableau en listant d’un côté les points positifs et de l’autre ce qu’on y perd. En l’écrivant noir sur blanc, on rend évident ce que l’on devinait déjà : on a tout à gagner à s’y mettre.

Je retarde par peur d’échouer

Parfois, l’enjeu est trop important. Par exemple, je veux changer de boulot et je viens de trouver une annonce pour un poste qui me convient. Je devrais soumettre ma candidature, mais je repousse sans cesse l’échéance. J’ai trop peur d’une réponse négative. Une forme d’auto-sabotage, en somme.

Le Dr Richard O’Connor, psychothérapeute américain, qualifie la procrastination de « forme la plus courante et universelle de comportement autodestructeur. » Nous protégeons notre estime personnelle tout en jouant contre notre camp. Un acte manqué qui nous sabote.

La solution : Si certaines causes sont visibles, d’autres peuvent être inconscientes. S’aider d’un psy peut être utile pour déterminer les raisons profondes qui nous bloquent.

Je ne sais pas m’organiser

Le procrastinateur surestime le temps dont il dispose. Par exemple, je dois rendre à mon patron un bilan d’activités de notre service, mais évidemment je m’y colle à la dernière minute, alors que je le sais depuis des semaines. Si le compte-rendu était réalisé régulièrement, cela me prendrait moins de temps. Résultat, stress et culpabilité. C’est encore plus vrai quand il s’agit de tâches jamais réalisées auparavant. On ne sait pas par quel bout commencer, parce qu’on est incapable de se représenter la méthode pour y parvenir.

La solution : Décomposer l’action en étapes et s’atteler à la tâche pendant un laps de temps limité, mais avec discipline et régularité, peut suffire à désamorcer le problème.

J’ai peur du changement

Quand on tarde à programmer son prochain RDV gynéco ou pour une mammographie, on sait bien que l’on a tort. Mais on le fait pour se protéger de ce qui pourrait arriver. Une sorte d’inertie qui nous permet de rester dans notre zone de confort. Par exemple, mon couple bat de l’aile, et il faudrait que j’aborde le sujet avec mon compagnon (ou ma compagne), mais je n’arrive pas à le faire, et je repousse toujours en me disant que ce n’est pas le bon moment. À tort, on croit que l’inaction demande moins d’effort. La loi d’Emmet rappelle le contraire : la crainte d’une tâche exige plus de temps et d’énergie que d’accomplir la tâche elle-même.

La solution : On s’interroge : « Qu’est-ce qui m’en empêche vraiment ? » Parfois, une seule étape bloque tout le processus. Pour que se produise le déclic, il fait déterminer avec précision ce qui freine le passage à l’acte.

>> le petit + qui fait tout

Jamais sans mon carnet ! Se lancer dans un Bullet Journal, un agenda amélioré et personnalisable, imaginé par le designer américain Ryder Carroll, qui devient votre allié le plus précieux au quotidien. Il donne une vision globale de ce que l’on à faire et de notre emploi du temps. A la clé, le sentiment d’avoir repris en main sa vie et une grande fierté ! Pour certains, il peut aussi être aidant de commencer son TAF (Travail à Faire) quotidien par ce qui nous est le plus difficile. Cela enlève la pression et soulage.


La procrastination n’est pas mon ennemi

Il faut toujours tout remettre au lendemain. Les trois quarts des choses s’arrangent d’elles-mêmes.

– Henry de Montherlant-

Bon, cette citation du début du 20ème est fort sympathique, mais soyons honnêtes, tout ne s’arrange pas toujours. Cependant, n’avez-vous jamais constaté que la résolution d’un problème finit souvent par s’imposer d’elle même ? Il suffit parfois de lâcher prise, de renoncer aux pensées et motivations stériles, pour relativiser et trouver LA solution.

Discernement, circonspection et intuition évoquent ici tout un art de vivre et une philosophie de cette fameuse procrastination.

Des exemples de procrastinateurs célèbres

Les deux créateurs de Yahoo! C’est l’histoire de deux étudiants de cycles supérieurs qui ont profité de l’absence de leur professeur pour s’amuser à « classer internet ». Nous connaissons le résultat qui en a découlé. Où encore, Sir Isaac Newton : ne vous êtes-vous jamais posé la question à savoir pourquoi il était sous un pommier et non dans son bureau à travailler, quand il a découvert la gravité ?

La procrastination intelligente

La procrastination est souvent assimilée à tort à de la paresse et est principalement vue comme un défaut à éviter, voire à soigner, mais c’est rater une belle occasion de tourner un défaut en qualité.

Comment est-ce possible? Tout simplement en comprenant qu’un procrastinateur n’est pas quelqu’un qui ne fait rien, mais plutôt quelqu’un qui fait des choses à la place d’autres. La procrastination intelligente consiste donc à se servir d’un travail important sans cesse repoussé, pour s’atteler à plein d’autres tâches, certes moins importantes, mais non sans intérêt. Mais je vous entends revenir avec la question qui fâche :

Oui mais qu’en est-il de ce premier travail super important et délaissé ?

Il vous suffira soit de trouver une tâche encore plus indispensable et contraignante, ce qui vous permettra de compléter la première, soit d’attendre le – non moins très célèbre – degré d’urgence, variable suivant les individus, qui sera le clou de l’accomplissement.

Au final, vous aurez non seulement fini votre tâche super importante mais en même temps vous en aurez exécuté plein d’autres secondaires contrairement à une personne studieuse qui pendant ce même laps de temps n’aura exécuté qu’une tâche.

Teresa Amabile, professeure à l’Université Harvard aux États-Unis, explique qu’il « nous faut des activités externes pour permettre d’augmenter notre créativité. » D’autres études scientifiques ont prouvé que se concentrer trop intensément sur un sujet ne permet pas de le résoudre. En fait, nous « étouffons » notre créativité.

La procrastination créative

Tant qu’elle n’est pas pénalisante pour la vie quotidienne (vaisselle et linge qui s’accumulent, fiche d’impôt jamais remplie,…), la procrastination peut aussi être positive.

Ne rien faire est souvent mal perçu, dans une société qui valorise l’action et la performance au détriment de la personne. Cependant, parfois, il vaut mieux sortir s’aérer et faire un tour pour trouver l’inspiration, la créativité s’épanouissant mieux dans l’ennui.

Finalement, tout est une histoire de temps. Ce qui paraît insurmontable le lundi, devient dérisoirement simple le vendredi. Laisser venir à maturité les idées, les laisser vagabonder, continuer à vaquer à ses autres nombreuses occupations et attendre le bon moment. La créativité et la motivation vont s’enrichir de mille détails glanés au fil de la vie quotidienne, de conversations, de rencontres, de pérégrinations neuronales, et ressurgir dans un eurêka jubilatoire.

Quand l’urgence devient un moteur et une alliée

Parfois, la procrastination nous permet de faire des étincelles. Certains (nes) d’entre nous ne sont jamais aussi efficace que quand ils ou elles flirtent avec la date limite. Ils ne peuvent même travailler que dans cette situation. Nous sommes nombreux (ses) à être accro à ce sentiment euphorisant, cette montée d’adrénaline, ce besoin de tension qui nous font passer à l’action, et on aurait tort de s’en priver.

La satisfaction d’avoir enfin accompli une tâche dont on se faisait une montagne est un ravissement à nul autre pareil, et qui vaut bien le stress mis en jeu.

>> le petit + qui fait tout : Si vous voulez aller plus loin sur ce paradoxe, je vous propose ce petit livre très drôle de John Perry, sur une gestion réussie de la procrastination :

Comme vous l’aurez compris, tout est relatif et tout le monde procrastine un jour ou l’autre ; car finalement : procrastiner c’est profiter du temps présent, et permettre aux concepts d’arriver à maturation. La procrastination n’est certainement pas une maladie, mais pour en sortir, il est important de déculpabiliser.

Un texte de Sophie Guittat

Je procrastine, tu procrastines, nous procrastinons… et alors !? Dites le haut et fort sur les réseaux sociaux:

 

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