«Pires que les élèves» est le livre d’un jeune prof d’anglais qui exerçait près de Dunkerque. Un livre qui a dérangé l’Education nationale, puisque son auteur est aujourd’hui suspendu de ses fonctions. En effet, l’académie de Lille a décidé d’ouvrir une enquête disciplinaire à son encontre assortie d’une suspension. La liste des faits reprochés à l’enseignant est longue… elle n’égale cependant pas la liste des abus en tous genres que ce jeune professeur met au jour dans son livre.
Un prof suspendu pour son livre sans concession : «Pires que les élèves»
« Certains collègues l’ont très mal pris… »
Et comment pourrait-il en être autrement ? Car il est vrai que le contenu du livre de Stéphane Furina met au jour des agissements d’un autre âge, d’un autre monde, d’un autre « je ne sais quoi » qui ne peut et ne doit surement pas exister. Sauf que…Sauf que dans la liste des griefs qui sont énumérés, à aucun moment il n’est reproché à ce jeune professeur de fabuler, d’inventer ou même d’exagérer les situations vécues qu’il décrit.
Non, de cela, il ne lui est pas fait reproche. Son livre dénonce certes, mais les situations décrites sont réelles et fort peu flatteuses pour ses collègues. L’auteur savait qu’il ne se ferait pas que des amis en balançant ainsi sur l’Education nationale. Il avait déclaré à 20 Minutes:
Certains collègues l’ont très mal pris, ils avaient peut-être l’impression que ça parlait d’eux. Quand on n’a rien à se reprocher, on ne se sent pas visé.
Deux d’entre eux avaient, d’ailleurs, tenté de porter l’affaire devant les tribunaux avant de se voir déboutés de leur requête.
Une liste de griefs sans consistance
Mais alors tout est faux dans ce bouquin? Et bien non, à en croire sa direction, le professeur d’anglais n’affabule en rien. Non, pour justifier l’enquête disciplinaire et la suspension du prof, l’académie a envoyé à l’intéressé une liste de neuf griefs sans consistance. Une liste qui fait bien pâle figure face aux faits mis à jour dans l’ouvrage polémique de Stéphane Furina. A défaut d’autre chose, il est donc reproché à Stéphane Furina d’avoir :
- « manqué aux devoirs d’obéissance et de déférence » envers sa hiérarchie
- « manqué de retenue » dans ses propos
- « violé » l’obligation de réserve
- « critiqué de manière virulente » sa hiérarchie…
Quel audace monsieur Furina! N’avez vous donc rien de mieux à faire que de respecter vos élèves sans cesse, que de prendre leur parti aux dépens de leurs professeurs abusifs?
Drôle de monde que le nôtre où les « justes » sont puni, où « le groupe et ses dérives » sont protégés. Mais qui y a-t-il donc dans « Pires que des élèves » qui soit aussi dérangeant que cela? Les agissement dénoncés mettent-ils en périls l’équilibre psychologique des enfants? A vous de juger:
Morceaux choisis d’un ouvrage instructif et dérangeant
Pour certains l’élève est un ennemi
Pour certains, l’échec est impardonnable, l’élève est un ennemi.
J’avais une collègue qui avait un excellent élève de troisième qu’elle adorait. Quelques années plus tard, elle a eu son petit frère, dont le profil intellectuel était bien différent du grand. Elle a tout simplement refusé de l’appeler par son prénom et lui a donné le prénom du grand frère.
J’en ai connu un autre qui faisait des croche-pieds aux élèves dans les couloirs dès qu’ils couraient.
Interdit de remettre en question une correction
Les déléguées se plaignent de monsieur Templart: apparemment, il leur aurait fait signer une charte en début d’année dans laquelle était stipulé, entre autres, qu’il est interdit de remettre en question la correction d’une évaluation.
— Il m’a mis 14/20 à mon devoir surveillé mais en recomptant mes points, je me suis rendu compte que j’avais 17. Je suis allée le voir, il m’a tendu la charte devant les yeux, celle qu’il nous a obligés à signer. Comme j’avais contesté sa notation, il m’a mis deux heures de colle et un zéro pointé, se plaint Déborah.
— Tu es sûre? Ça m’étonne quand même…
Je mens, c’est évident. Quand je regarde leurs moyennes en histoire, elles sont anormalement basses. Je n’ai que neuf ans d’ancienneté dans l’Éducation nationale, je peux me tromper, mais je les connais tellement bien, ces profs.
Mon Dieu, Donovan! Un légume, ce gosse!
J’ai quelques minutes de répit quand Martine et Ernest entrent dans la salle des professeurs. Ernest est très remonté:
— Putain, mais il est con ce môme!
— Il ne comprend toujours rien? dit Martine, très amusée.
— Bah, il est dyslexique. Donc, par définition, il ne comprend rien!
— Pléonasme, dit-elle. Tu as déjà vu un dyslexique qui comprend, toi?
— Mais pourquoi, ô grands Dieux, pourquoi est-ce toujours moi qui me les coltine?
— Ils savent que tu es un bon prof, c’est pour ça.
— Le bon prof, il en a marre d’expliquer dans le vide… Salut Victor, dit-il en me voyant. Je ne réponds pas.
— Je peux réexpliquer cinquante fois, ce sera pareil: il ne comprendra jamais rien. Tous les dyslexiques, c’est comme ça! Ils ne savent pas, pourquoi s’acharne-t-on?
— Je n’en ai pas cette année. Mais l’année dernière, j’ai eu le jeune Donovan en 6e B.
— Mon Dieu, Donovan! Un légume, ce gosse!
— Mais carrément! Des fois il me faisait rire, je lui expliquais quelque chose et il me regardait la bouche ouverte.
Des pétitions à répétition… sans effet
Depuis que je suis arrivé, des professeurs m’ont raconté que plusieurs demandes de pétitions avaient été signées contre elle par les classes de sixièmes à chaque fois. Quand je demande les raisons d’un tel acharnement, on me répond qu’elle est spéciale avec les élèves, qu’elle leur mène la vie dure et qu’elle ne respecte pas le programme. Pire! Ses cours de sport ne seraient pas des cours de sport ; à part leur faire mettre du matériel au sol et le ranger, elle hurlerait, hurlerait et hurlerait à longueur de temps. Et pourtant, personne ne fait rien, ne dit rien, malgré les convocations du chef.
Signer une pétition contre un professeur est rare mais quand ce sont des sixièmes qui la signent, c’est ahurissant. Et ce, tous les ans! Il serait peut-être temps d’agir efficacement, de comprendre, de voir ce qui ne va pas.
Tu te prends pour qui? Tu dégages de là!
Je vois un élève de sixième arriver près de la salle – la porte est toujours ouverte. Il toque timidement, avance d’un malheureux petit pas pour donner un papier à Christine qui se trouve à deux mètres de lui. Ernest Gens sort de ses gonds, très violemment:
— Non mais ho! Tu te prends pour qui? Tu dégages de là! C’est la salle des professeurs ici, tu n’as pas le droit d’entrer! Dégage! Recule! Le petit bonhomme panique, il fait tomber sa feuille qui, malheureusement pour lui, glisse du côté de la salle.
— Voilà le résultat! Ne compte pas sur moi pour aller la chercher! Tu n’avais qu’à pas entrer sans autorisation!
Il referme violemment la porte sur le gamin. Je pensais que Christine allait dire quelque chose, mais elle sourit et remercie Ernest pour sa présence d’esprit. C’est sûr qu’il a été très présent, on a dû l’entendre à des kilomètres de là!
— Pourquoi tu t’énerves comme ça? dis-je.
— Il n’a pas à entrer dans la salle des profs!
— Il n’est pas entré, voyons, il a toqué, il a vu que Christine se trouvait juste à côté de lui, il a cru bien faire en s’approchant d’elle pour lui remettre son papier.
— Les élèves savent qu’ils n’ont pas le droit d’entrer, point final!
— Tu aurais pu le lui dire gentiment. Je l’ai, ce gamin, il est en sixième, il ne ferait pas de mal à une mouche. Pourquoi t’es-tu senti agressé pour si peu?
— Ils doivent respecter les règles ici, si tu n’imposes pas de barrières, ils vont te bouffer!
Eux ce sont des élèves, nous on est profs
L’adjoint passe dans la salle des professeurs et affiche une note: Les copies sont à rendre à mon bureau au plus tard pour le 15 mai 2008.
Bernard Templart et Claude se lèvent pour lire la note:
— Alors là, il peut se brosser! dit Bernard. Je pars en Corse pendant les vacances, ça me laissera à peine quinze jours pour corriger les copies en rentrant, impossible!
— Quel fumier ce Damier! précise Claude. Il veut nous donner des ordres! Il n’a pas à nous dire quand rendre nos copies, il nous prend pour des gosses ou quoi?
Dis-moi, Claude, tu donnes des devoirs de maths à tes élèves, je suppose?
— Oui pourquoi? dit-il avec méfiance.
— Et j’imagine que les élèves doivent te les rendre à une date précise, non?
— C’est pas pareil, tu vois, tu comprends jamais rien! Eux, ce sont des élèves, nous, on est profs! Le chef n’a pas à nous dire ce qu’on doit faire, c’est tout.
Je ne vais plus en cours d’anglais
Alors si c’est comme ça, je ne vais plus en cours d’anglais! Et elle s’en va…
— Eh! Attends deux secondes! Comment ça, tu n’y retournes plus? Tu seras bien obligée!
— Ah non, c’est hors de question, je l’ai eue l’année dernière, j’étais à moitié en dépression, elle est horrible, elle n’arrête pas de nous insulter, je n’irai pas, un point c’est tout! (…) J’ai des gros soucis avec mon père, on ne s’entend pas ensemble. Il nous a quittées, ma mère n’a plus d’argent.
— OK, donc quel rapport avec madame X? Elle n’y est pour rien, elle.
— Elle n’y est pour rien, mais la prof principale lui en a parlé.
— Tant mieux, elle est obligée de le savoir, ta prof principale a bien réagi: quand un élève a des problèmes, l’ensemble de l’équipe pédagogique doit être informé, le but est de traiter l’élève différemment ou du moins d’être plus indulgent sur ses notes ou son caractère.
— Oui mais elle, c’est le contraire! Quand j’ai une mauvaise note, elle dit que c’est à cause de mon père, qu’il a bien fait de nous laisser tomber et que ma mère n’a que ce qu’elle mérite. Et c’est pas tout, dit l’autre camarade. Tous les élèves qui n’ont pas la moyenne en anglais, elle les insulte. À moi, elle m’a dit que je pouvais direct arrêter l’école, que j’étais inutile à la société et que je pouvais aller pointer à l’ANPE. Alors que mes notes ailleurs sont correctes. Elle nous dégoûte!
Clément : 17,96 de moyenne mais pas de félicitations
— Le trimestre est excellent dans toutes les matières, cependant, il est très imbu de lui-même et se vante beaucoup. Je décide de ne lui mettre ni les félicitations ni les encouragements. Vous en pensez quoi?
— Je suis d’accord avec toi, dit Ernest. Tout le monde acquiesce. Sauf moi, évidemment.
— Écoute, je ne suis pas d’accord. On ne valorise pas l’enfant de cette façon.
— Ne t’inquiète pas, il se valorise lui-même, me dit-elle.
— C’est peut-être son éducation. Ses parents le poussent certainement à donner le meilleur de lui-même et il en est fier.
— Il y a donc un problème d’éducation.
— Justement, ce n’est pas de sa faute. Il est jeune, il veut bien faire, il pense que tout le monde sera fier de lui.
— Oui, mais il doit être plus modeste.
— Ce n’est pas ton problème.
Aimé de tous et conspué par ses pairs
Le soutien n’a pas tardé à s’organiser, notamment à travers une page facebook créée par des parents d’élèves et une pétition. A l’issue de l’enquête, qui devrait durer un mois, Stéphane Furina aura le verdict que l’on espère juste… sans trop y croire. Car finalement, ce jeune prof n’aura commis qu’une seule faute: celle d’être apprécié de tous ses élèves.
Le reste ne sont que des mots imprimés sur du papier. Des paroles d’un homme libre de s’exprimer… qui est « invité » à se taire. Les Charlie ont donc bel et bien disparu, laissant place aux charlatans. Les charlatans de la liberté d’expression revendiquent un droit qu’ils sont seuls à pouvoir exercer.
Signez la pétition de soutien à Stéphane Furina
Visitez la page Facebook des parents d’élèves et la page Facebook « Pires que les élèves »
Sources : 20minutes.fr – lefigaro.fr et ici
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